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Jacques Bertin / France Léa Ivry-Sur-Seine 13 octobre 1993
Chantons sous la pluie [...] Jacques Bertin, accaparé par son métier de journaliste (comme chef de la rubrique "culture" de l'hebdomadaire Politis), n'a plus chanté en public depuis le printemps 1992 et le Café de la Danse. Depuis 1967, le parcours de Bertin est celui d'un homme féru de poésie, exigeant quant à la forme, à l'écoute de son temps mais dédaigneux des modes et pas "branché" pour deux sous. D'aucuns le raillent pour cela mais lui n'en a cure. Le long terme lui a donné et lui donnera encore raison. sa voix, au timbre si expressif, donne à ses mots une force exceptionnelle. Musicalement, on l'a souvent décrié à cause d'une certaine monotonie mais il a su créer parfois de superbes mélodies ("Des mains", "Trois bouquets") et bien s'entourer. En l'ocurrence, d'un pianiste inspiré (Laurent Desmurs) et de deux violoncellistes qui donnent au récital de belles allures de musique de chambre, et auxquels se joint par intermittence César Stroscio, l'ancien bandonéoniste du Cuarteto Cedrón. Délaissant à l'occasion ses propres œuvres, Bertin sait mettre sa voix et sa culture au service des grands poètes (Aragon : "L'Affiche rouge" ; Giraudoux : "La chanson de Tessa" ; Nazim Hikmet : "Les chants des hommes"), ose une reprise convaincante du "Temps des cerises", si souvent massacré, et évoque la Prague d'avant-guerre et Nezval ("Entre les dents des jours"). On regrettera que le faux crooner des années 80 ("Goût d'ail") ait abandonné cette veine humoristique, voire sardonique ("C'est fou ce qu'on est peinard"), qui lui allait bien et ne nuisait pas, bien au contraire, à la portée de son engagement poétique et même politique. À se demander si le chanteur se croit obligé de rester ou de redevenir aussi sérieux que son fidèle public. Jacques Vassal, Chanteurs à l'affiche, Albin Michel, 1996 |