photo : http://www.allainleprest.com/

 

 

 

Lire aussi :
Des huées méritées pour le ministre

Septembre 2011

 


Pour saluer Allain Leprest

Aux funérailles au funambule…

 

 

 C'était un papier 21x29,7. -Tiens, dit-il, j'ai écrit ça en t'écoutant… Il l'avait griffonné dans le noir, avec l'aide intermittente de la lumière de scène, pendant que je chantais. Ca, se passait au Forum Léo Ferré, en janvier 2005. Nous trinquâmes et j'emportai le papier. Rentré chez moi, je m'aperçus qu'il y avait là, raturé, en désordre, pas terminé, tout le génie de Leprest. Je ne fis pas alors attention à ce détail qui aujourd'hui m'enchante : chacun viendra poser sa plule, qui rime avec funambule. L'avait-il fait exprès ? Je veux désormais le croire. Surtout : je suis persuadé, depuis ce soir-là, qu'en écrivant tandis que je chantais, Leprest se racontait à lui-même son histoire.

J'ai souvenir de l'avoir rencontré pour la première fois dans une boîte à chanson de Tours, avec Gérard Pierron - dont il était un ami proche. Nous nous sommes croisés une dizaine de fois, nous n'étions pas intimes, mais nos rapports étaient cordiaux et je savais son talent. Il allait d'opération en résurrection. On n'y croyait plus, il revenait toujours. Nous nous étions trouvés voisins pour une signature, à Randan, et il était venu m'écouter ce soir-là à St-Bonnet… J'étais allé l'écouter à Château-Gontier. Un matin, à Barjac, quelqu'un m'interpelle tandis que je passe sur la place : Leprest attablé à une terrasse…

Il a fini par se jeter du fil sans filet. Je reçois aujourd'hui un beau texte envahi de larmes de Forcioli sur ce mort bizarre, non-conforme, superbe.

Voici la reproduction du papier dont je parle ci-dessus - et le texte intégral de la chanson que j'en ai fait et ce que l'on doit à chacun de nous. Quant à moi, je me suis contenté de finir la légende au funambule…

Jacques Bertin


Aux funérailles au funambule

Paroles : Allain Leprest et Jacques Bertin ;
(en romain : Leprest ; en italiques : les ajouts de Bertin…)

 

Aux funérailles au funambule
chacun viendra poser l'enclume        / la plule
le pape apportera sa bulle
et malgré la grève du rail

si près du cyprès et de l'onde
chacun viendra asseoir son monde
et boire à cet enfant trop beau
tombé de haut

chacun viendra lever son verre
à nos amitiés libertaires
aux étoiles qui vont se taire
dans la main du grand diamantaire

à toutes ces notes futiles
à nos ardoises sur nos tuiles
à nos comment et nos faut-il
écrire la chanson de plus ?

qui crie au fond de l'autobus
et aux verres trop vite bus
aux amitiés trop vite lues
aux rythmes trop vite perdus

à la prochaine mon amour
à toi seule dont les doigts courent
sur mon ardoise chaque jour
à la proche haine à toujours

je cache en mes doigts consumés
un âcre parfum de fumée
dans les ruines du verbe aimer
une ultime rime à " toujours "

à nos amours à la prochaine
la proche haine mon amour
la proche haine où sont semées
nos plumes nos belles années

à tous les mots durs à manier
au malheur qu'on n'a pas volé !
la beauté qui nous a brûlés
et à nos amours mon amour

or, voyez : c'est son meilleur tour
quand il tombe au milieu de vous
le funambule il est pas fou
il a très bien choisi son jour


est-il mort ? non : il dort il tremble
dans son sommeil il parle il semble
il dit : si nous restions ensemble
ici,
            amis,
                         j'y voudrais mourir pour toujours !


musique : Jacques Bertin (sur CD-Velen : No surrender)