![]() 25 juin 2002 |
Eloge de l'éducation populaire
Tout le monde ne sait pas, peut-être, que le
festival off d'Avignon est le rendez-vous, pendant la durée du
festival officiel (le in), de 590 compagnies -cette année- pour
plus de 700 spectacles et plus de 600 000 entrées. Sans le diriger,
une association coordonne tout ce monde : Avignon public off.
Cet été, au Palais des Papes, son colloque annuel aura pour
thème : «Education populaire et action artistique»
(1). Il s'agit de faire parler ensemble
les artistes, les responsables socio-culturels et les administrations.
Et ce sera un fort symbole : dans la capitale du théâtre,
pendant le festival, la rencontre de ceux qui... n'auraient jamais dû
être séparés. Considérons le théâtre
d'aujourd'hui : par un grand nombre de ses fondateurs et de ses actuels
patrons, il est issu, tous les historiens le disent, des mouvements de
jeunesse et d'éducation populaire (2).
A la porte juste à côté, l'histoire de la chanson
française dépend, elle aussi, de très près
des mêmes, et tout particulièrement des MJC : c'est
là que, dans les décennies 1960 et 1970, purent s'exprimer
les Brel, les Leclerc, les Ferré, et des centaines d'autres, de
Higelin à Lavilliers. Si la création artistique se stérilise sans le public, et en particulier celui qui est formé justement par l'éducation populaire, de son côté celle-ci se dessèche sans la culture, lorsqu'elle est confinée dans les programmes «sociaux», ou d'occupation des loisirs: elle n'est plus alors qu'une annexe des services publics, sa mort est annoncée. Comment rejoindre les deux fils ? La conjoncture est intéressante. Il y a d'abord l'essoufflement de la politique du ministère de la culture : stagnation du public, arrogance des élites, corporatisme des artistes. Pour un petit nombre, de plus en plus d'argent, de narcissisme, et de moins en moins de valeurs à défendre ; pour tous les autres l'inquiétude, peu d'argent, et quand ils vont vers le public, dans les écoles, dans les quartiers, dans les associations du mépris. Il y a évidemment l'état lamentable du «lien social» dans la société française, qui rend urgent de réinvestir les villes avec de l'idéal républicain. La culture comme moyen de libération individuelle et collective, disait-on naguère... Pour réintroduire le public -le peuple- dans la société, les associations d'éducation populaire sont évidemment les plus compétentes. Elles l'ont montré depuis longtemps. Le but de ce colloque est de réunir toutes les parties concernées, afin de questionner les politiques publiques. Il sera aussi de dire à l'éducation populaire qu'elle doit abandonner ses complexes d'infériorité. Et enfin de dire aux artistes que, si l'on évite de vouloir transformer chaque foyer rural en centre dramatique national, si l'on sait respecter les buts et les méthodes de l'éducation populaire, il y a dans ces milliers d'équipements un espace d'activité considérable ! Ainsi, on pourrait aider à une nouvelle réconciliation du peuple et de l'art.
(1) Les 17 et 18 juillet au Palais des Papes d'Avignon. (2) Citons : Ligue de l'enseignement, Peuple et culture, Fédération Léo Lagrange, MJC, Foyers ruraux, scoutisme, Culture et liberté, Céméa, Francas, Centres musicaux ruraux, UFCV, etc. ![]()
Jacques Bertin |