Sud-Ouest
24 janvier 2003

CHANSON. -- Le poète au coeur grave est à Bordeaux pour deux soirs

Jacques Bertin en escale


Ce sera une fête, étrange comme toujours, un moment suspendu dans le chaos des jours. Un vieil ami s'annonce, on l'attend avec jubilation et une pointe d'inquiétude. Comment va-t-on se reconnaître ? Avons-nous bien vieilli ? Jacques Bertin revient chanter à Bordeaux après tant d'années sans vraies nouvelles, avec des saluts lointains. Ses fervents, un peu ridés, se souviendront des années 60 et 70, de la quinzaine de disques qui jalonnent son parcours de poète, de témoin et de militant, si loin des modes et si près du monde. La jeune génération comprendra vite qu'il n'est pas trop tard pour passer la tête, entendre sa voix qui plane, ses mots et son chant profonds. Il arrive avec les vibrations d'un nouveau disque ("la Jeune Fille blonde", chez Velen). Dès la première écoute, la conversation reprend où nous l'avions laissée. L'enfance, l'âge qui avance, une jeune fille inoubliable et l'impossible rupture, les amis perdus dans les couloirs des vanités, claquant des dents au milieu des décombres. Il a cette façon à lui de prononcer le mot "hiver", sans pour autant souffler du froid. Il reste sous le régime des vents d'ouest. Sa mélancolie est caressante, même si sa tristesse a l'air de gagner du terrain, c'est sa façon de faire le ménage. Des bourrasques d'humeur viendront encore nettoyer son ciel. Bertin sait rire et prendre des couleurs, quand il veut. Tandis que de jeunes gens tentent, malgré la dureté du temps, de reconquérir les territoires en friches de la chanson française, un frère de René-Guy Cadou, de Luc Bérimont, de Ferré et de Gougaud continue de creuser ses sillons. Ca ne fait pas de bruit, mais ça fait vraiment du bien.

 

Pierre-Marie Cortella



Jacques Bertin chante à l'Onyx, 11, rue Fernand-Philippart, à Bordeaux, ce vendredi 24 janvier et demain, samedi, à 20 h 30. Tél. 05.56.44.26.12. www.theatreonyx.net