2-6 décembre 2008

Cave Poésie
Toulouse
(31)

 

 

 

Cher Monsieur Bertin,

Imaginez un village de montagne, dans le Tarn, à la fin des années 60 . Loin de la capitale, de la mode et de ce qui brille . C'est l'été et nous venons de passer le bac. La vie nous appartient. Nous sommes là, quelques amis revenus comme chaque année, pour jouir de la belle saison, chez la grand-mère un peu sévère, à l'ombre de la glycine, dans le chant des grillons et l'odeur du pain de Maurice. Le jour, tout le monde s'éparpille dans cette belle nature, qui, à chercher des cèpes, qui, à lire sous les hêtres, à goûter l'eau fraîche de la rivière ou à disputer une partie d'échecs. Il fait chaud et le temps s'écoule lentement...

Puis vient le soir et nos retrouvailles enfin. C'est chez l'ami Jean Paul que je vous ai rencontré pour la première fois; Jean Paul, il est extraordinaire: garçon timide, secret; son enfance, il la porte sur lui comme un fardeau trop mal ficelé. Elevé par son père après l'accident survenu à sa mère, écrasée par un arbre dans la forêt, il est l'aîné de deux garçons qui ont appris à filer doux au contact d'un père rugueux, revenu des camps allemands avec des problèmes pulmonaires. A l'époque, le père est épicier et travaille sans s'arrêter, faisant la tournée des villages alentours quand il n'est pas à la boutique. Les garçons travaillent dans son ombre. A l'école, il faut que ça marche pour ne pas décevoir le père. Jean Paul, ce qu'il aime, ce sont les livres et les poètes ; son bonheur, il le trouve dans sa guitare et il voue une admiration sans bornes à Brassens. Il connaît toutes ses chansons. Il aime aussi Félix Leclerc, Ferré, et d'autres encore. Il écrit des poèmes. Nous partageons la lecture de Paroles et Musiques.

Pourquoi vous parler de ce garçon que vous ne connaîtrez sans doute jamais ? Simplement parce que c'est lui qui nous a parlé de vous pour la première fois. Depuis ce village perdu dans le Sidobre; c'est lui qui a su tout de suite reconnaître en vous l'essentiel de la vie, nous transmettre vos textes et vos musiques lors de soirées mémorables, autour de la table de la cuisine. Nous étions quelques uns et je lui dois des moments inoubliables. Votre fête étrange et belle est entrée dans ma vie cette année là et les musiciens silencieux et doux étaient à notre table pour vous célébrer avec Monsieur Brassens et quelques autres.

Le temps a passé. Je vous ai suivi de loin, de trop loin. Vos 33tours m'ont accompagnée sur le chemin de la vie. Vous êtes mon jardin secret, les mots que je ne peux trouver seule, la musique qui noue ma gorge chaque fois que j'entends cette voix reconnaissable entre toutes.

Vous comprendrez mon émotion quand je vous dirai que mes fidèles amis d'antan et moi-même nous sommes retrouvés à la Cave Poésie de Toulouse pour venir vous entendre cet hiver. Ce fut la même émotion, le même partage.

Merci pour tout cela, pour nous avoir donné ces trésors qui nous accompagnent et que nous partageons au gré des amitiés mais en prenant soin de ne pas les disperser à la légère tant ils sont importants à nos yeux.

Prenez soin de vous, profitez de cette Loire qui vous est chère, de ceux que vous aimez et qui ont cette chance, rêvez, chantez quand bon vous semble, écrivez nous des chansons encore et encore!

Merci.



Cathy Vial
14 juin 2009