JACQUES BERTIN


Nantes
(La Bouche d'Air)

24 février 1996

Jacques Bertin : messages personnels

Trente ans bientôt que Jacques Bertin fait dans la chanson. Un fameux bail. Avec sa période flamboyante, puis un semi-oubli en marge des modes qui vont et viennent. C'est que le bougre est obstiné, peu enclin aux compromissions, attaché à une certaine idée des mots qui font poids et sens.

Le poète, car c'en est un, de la race des meilleurs, était de passage à Nantes la semaine dernière, à l'invitation de la Bouche d'Air. Sans lourde artillerie sonore. Un simple piano et un excellent pianiste à ses côtés. Une chaise pour poser son pied, à l'ancienne, afin de caler sa guitare aux cordes de nylon. Le geste économe et le regard clair, un peu gauche parfois devant son micro.

Dans la salle Paul-Fort, près de 350 personnes. Des inconditionnels, pour beaucoup, qui suivent à la trace l'homme de parole. Un public neuf, aussi, découvrant qu'en 1996, sans jeter pour autant le CD-Rom et le clip sophistiqué, on peut être chamboulé par des icônes d'écriture, des messages personnels signés Léo Ferré, Nazim Hikmet, Luc Bérimont, Louis Aragon et, bien sûr, Jacques Bertin.

Voix profonde au phrasé de violoncelle, diction parfaite, équilibre miraculeux entre douceurs suspendues et douleurs contenues, sens aigu de l'image qui vous allume l'âme au plus profond et au plus juste, art consommé du silence qui parle: Bertin le minimaliste est décidément unique. Déposant respectueusement dans le creux des mains de chacun des paysages intérieurs à habiter selon son cœur, des chansons hypersensibles à la poignante pudeur.

Mieux que d'entendre de longs discours, écoutez-le. Sept CD de lui sont actuellement disponibles chez Velen, une maison nantaise. En priorité, procurez-vous le volume 3 de son Intégrale; deux albums des années 70 ici compilés. Avec des trésors qui s'appellent par exemple "Trois bouquets". Après, vous serez prêts pour "Le poids des roses" et "La blessure sous la mer", ses disques les plus récents.

Jean Théphaine