14 janvier 2001

Théâtre Prémol
Grenoble
15 janvier 2001

Bertin, le messager

Jacques Bertin chante depuis plus de 30 ans. Voix chaude, brûlante, rocailleuse. Voix d'outre-silence. Voix humaine. Chant des hommes sans cesse recommencé. Jacques Bertin se tait depuis quelques éternités…

Comprenez par là qu'il est un géant de la chanson qu'on n'entend presque jamais. Parce que les mots se doivent d'être rares dans la cacophonie ambiante. Parce que le show-biz a ses lois que la raison des purs ne connaît pas. Parce qu'"avoir la foi plus grande que l'Empire" ne signifie pas -ce serait plutôt le contraire- avoir la voix plus forte que les pires.

Bref, Jacques Bertin chante et ne chante pas. Qu'importe le paradoxe puisque tous ceux qui aiment la meilleure chanson française ont chez eux, à portée d'oreille complice, tout contre leur cœur battant, des CD -si, si, ils existent…- qui invitent à Une fête étrange et très calme, qui soupèsent Le Poids des roses, qui ravivent La Blessure sous la mer, qui ramènent à L'Hôtel du Grand Retour, qui se fraient un beau chemin de Loire -la terre natale a toujours sa part de sable mouvant- entre Le Grand Bras et Les îles.

Jacques Bertin, auteur-compositeur-interprète, poète émule de René Guy Cadou et de Luc Bérimont, mais aussi biographe de Félix Leclerc -et journaliste-, chante depuis tant de temps que son Verbe, bien qu'il n'appartienne pas à l'air du temps, semble quelque part inscrit dans le vent. Le "vent, gâtine", bien entendu.

LE SILENCE D'UNE CLAMEUR

Jacques Bertin chante depuis tellement longtemps et tellement jamais que chacun de ses récitals, on l'aura compris, est une manière d'événement. Aussi bien, celui qu'il donnera à Grenoble demain soir, à la veille d'un débat politique -autre corde à sa lyre- qu'il animera dans la même ville, se doit d'être signalé loin à la ronde, se doit d'être annoncé comme le passage du porteur de la bonne parole:

Le Messager courait dans votre beau visage
Y portant des reflets des rêves des présents
A la vitesse de la vie, silencieusement
Votre beauté en irradiait comme un pays sans âge.

Jacques Bertin hurle et se tait depuis d'immémoriales saisons futures. Tendez l'oreille: le silence d'une clameur, ça fait d'indispensables confidences.

Didier Pobel

Lire aussi l'article de C.C.