30 janvier 2002

Café du Boulevard
Melle
26 janvier 2002

Le retour de Jacques Bertin

Samedi, le Café du Boulevard avait troqué le jazz pour la poésie sans faillir à sa réputation : grâce à Jacques Bertin, un chanteur rare.

Quelle époque ! Samedi à Melle, au Café du Boulevard, un grand de la chanson française, Jacques Bertin, s'est donné à son public dans une proximité où l'on ne triche pas. Ailleurs, des milliers de gens debout scrutent un petit point sur une scène ou des écrans géants.

Une soixantaine de personnes sont déjà installées. Fred circule entre les tables, une simple boîte de métal en guise de caisse : 8 € -tarif maximum- du Bertin en vrai ! Les derniers arrivants jettent un regard circulaire dans la salle aux trois-quarts pleine. La plupart ont réservé leur place. C'est pas tous les jours qu'on peut entendre et voir Jacques Bertin chanter.

Il faut dire que l'artiste, aussi insensible aux modes que fidèle à lui-même, grand prix de l'académie Charles-Cros pour son premier album, s'était fait rare. Si rare que beaucoup de ses admirateurs l'avaient perdu de vue. Depuis longtemps. Sans toutefois l'oublier. "J'ai encore ses chansons dans la tête", dit Annick, une agricultrice de Celles-sur-Belle. "Corentin, cite-t-elle d'un air rêveur... Mais depuis 69, je n'avais jamais plus entendu parler de lui."

Polo et pantalon noirs, veste grise comme sur l'affiche d'il y a quelque vingt ans. L'homme a changé : la barbe blanche dit les années ; pas la voix, profonde et chaude. Bertin chante dans un silence recueilli des chansons intimistes et bavardes, au plus près de la vie où les gestes de tous les jours s'auréolent de poésie. Pudique et grave, il chante les femmes :

"Donnez-moi une femme triste riche de ses amours déçues... donnez-moi une femme lente, donnez-moi des silences vrais."

Ses chansons d'abord, puis celles des autres... dont Aristide Bruant, Jean-Roger Caussimon.

Généreux aux rappels, il a offert en tout une vingtaine de chansons à son auditoire. La dernière, "Le temps des cerises", rappelle ses convictions. "C'est lui qui, dans les années soixante-dix, se souvient Jean-Marie Charpentier, le président de l'association de la radio à Melle, était venu soutenir les ouvrières de l'usine Cousseau de Cerizay, en grève".

Après le spectacle, c'est l'homme qui ira bavarder d'une table à l'autre, laissant tomber le dernier voile qui sépare l'artiste de son public.