Le Figaro Jacques Bertin à La Maroquinerie |
Jacques Bertin ou le verbe blessé
Jacques Bertin n'est pas un chanteur de variétés. Depuis une trentaine d'années, il porte au monde une chanson de poète, hors des modes et hors du temps. De temps à autre, il sort un disque, remonte sur la scène. Ainsi, ces jours-ci, alors que l'album Le Grand Bras, les îles vient de sortir (chez Velen-Scalen), il se produit à partir de ce soir à la Maroquinerie. Les textes de Bertin naissent d'une écriture classique, régulière, toujours d'une encre noire :
Deuils, solitudes, échecs, regrets, il ne semble pas connaître la chanson légère : "J'exprime mon aventure personnelle, dit-il, l'histoire d'un homme de cinquante ans. On a des problèmes, dans la vie, quand ça dure. Ce n'est pas tous les jours youpi tralala. Dans ce disque-là, c'est principalement un problème de femme, et puis toutes les lassitudes du quinquagénaire." "Chanteur amateur" A ses débuts, en 1967, alors qu'il vient d'achever ses études de journalisme, il apparaît comme un futur grand nom de la chanson française de tradition. Mais les année 80 balayent ce genre-là et, il y a dix ans, Jacques Bertin devient journaliste, à l'hebdomadaire Politis. "Maintenant, j'ai un statut qui est clair : je suis chanteur amateur", dit-il avec une certaine bonhomie. C'est qu'il ne regrette pas "la carrière du chanteur, les bistrots du chanteur, les façons du chanteur, la bagnole du chanteur. Ca ne m'a jamais intéressé." Alors, comme beaucoup de ses confrères, il appartient à un "petit système aux petits moyens". Disques vendus en souscription avant d'arriver chez les disquaires, circuit de tournées s'appuyant sur le réseau associatif et, au bout, un constat rassurant : "Le public est constant". Et Jacques Bertin peut continuer à chanter ses couplets noirs éclairés par l'éclat du verbe, ses mélodies blessées et dignes d'inlassable poète.
Bertrand Dicale |