Le Figaro
6 avril 1999

Jacques Bertin à La Maroquinerie

Jacques Bertin ou le verbe blessé


 
Poète et journaliste, il est resté fidèle à la tradition de la chanson française. Il se produit pour deux semaines à partir de ce soir.

Jacques Bertin n'est pas un chanteur de variétés. Depuis une trentaine d'années, il porte au monde une chanson de poète, hors des modes et hors du temps. De temps à autre, il sort un disque, remonte sur la scène. Ainsi, ces jours-ci, alors que l'album Le Grand Bras, les îles vient de sortir (chez Velen-Scalen), il se produit à partir de ce soir à la Maroquinerie.

Les textes de Bertin naissent d'une écriture classique, régulière, toujours d'une encre noire :

"Tout est vain : on ne voit plus, qui blessaient les vignes/ Ces routes tracées dans la chair vive au couteau/Juste une buée montant des souffrances, on devine Mourant, les formes féminines des coteaux."

Deuils, solitudes, échecs, regrets, il ne semble pas connaître la chanson légère : "J'exprime mon aventure personnelle, dit-il, l'histoire d'un homme de cinquante ans. On a des problèmes, dans la vie, quand ça dure. Ce n'est pas tous les jours youpi tralala. Dans ce disque-là, c'est principalement un problème de femme, et puis toutes les lassitudes du quinquagénaire."

"Chanteur amateur"

A ses débuts, en 1967, alors qu'il vient d'achever ses études de journalisme, il apparaît comme un futur grand nom de la chanson française de tradition. Mais les année 80 balayent ce genre-là et, il y a dix ans, Jacques Bertin devient journaliste, à l'hebdomadaire Politis. "Maintenant, j'ai un statut qui est clair : je suis chanteur amateur", dit-il avec une certaine bonhomie. C'est qu'il ne regrette pas "la carrière du chanteur, les bistrots du chanteur, les façons du chanteur, la bagnole du chanteur. Ca ne m'a jamais intéressé."

Alors, comme beaucoup de ses confrères, il appartient à un "petit système aux petits moyens". Disques vendus en souscription avant d'arriver chez les disquaires, circuit de tournées s'appuyant sur le réseau associatif et, au bout, un constat rassurant : "Le public est constant". Et Jacques Bertin peut continuer à chanter ses couplets noirs éclairés par l'éclat du verbe, ses mélodies blessées et dignes d'inlassable poète.

Bertrand Dicale