par Christophe Dauphin juin 2012
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Jacques Bertin, Les Traces des combatsAuteur-Compositeur-Interprète, Jacques Bertin s’est toujours tenu en
marge des milieux officiels, depuis ses débuts en 1966. Bertin écrit des
poèmes. Certains sont faits pour être mis en musique ; d’autres, non.
Il est l’un de nos plus grands poètes lyriques ; le chef de file des
auteurs de sa génération, qui s’étaient fixés pour but de développer le je créateur
sans gommer l’homme dans l’artiste. Nous lui devons une bonne vingtaine
d’albums, de nombreux poèmes et une quantité non négligeable de
chefs-d’œuvre. Parmi les grands classiques du chant bertinien, citons
entre autres : « Trois bouquets », « A Besançon », « Ambassade du
Chili », « Les biefs », « Carnet », « Domaine de joie », « Paroisse »,
la Merveille, selon nous, « Les grands poètes », « Je voudrais une fête
étrange et très calme », « La lampe du tableau de bord », « Retour à
Chalonnes » ou « Le Rêveur ». Après Plain-chant, pleine page (Arléa, 1992), qui a rassemblé les poèmes et chansons de Jacques Bertin, de 1968 à 1992 ; Les Traces des combats donne accès aux chansons et poèmes de 1993 à 2010, à l’exception des poèmes de Blessé seulement (qui a paru en 2005 aux éd. l’Escampette) ; soit les textes des sept derniers albums (de La Blessure sous la mer, 1993, à Comme un pays,
2010), suivis par quatre grands ensembles de poèmes inédits. Une fois
encore, Jacques Bertin nous démontre que chez lui, qu’il soit destiné à
l’écrit ou à être chanté, le texte est poésie par essence et glisse comme un ongle sur la souffrance longue du temps.
Il y a chez Bertin cette fracture existentielle, cette révolte
inassouvie, cette plaie qui saigne dans sa vie comme dans ses mots, mots
qui serrent de près comme la grêle. Un humanisme de combat
proche de René Guy Cadou et de Luc Bérimont. Loin de l’état d’âme
factice, que nous retrouvons chez tant de mirlitons, le lyrisme exigeant
de Bertin rejoint l’être dans ses tréfonds : Traversez cette eau
plongez-y votre corps – Sur l’autre rive sont les arbres les mots dont
vous avez besoin… - Sur l’autre rive le temps vous donne ses mains. Il éclate, tire à bout portant, sans la moindre complaisance : Moi je me suis rogné les ailes au mur.
Le poème de Bertin est fait d’un alliage émotionnel qui n’a rien à
craindre du temps. Il est un appel continu à l’insurrection : Il
reste peu de temps pour sauver le monde et vous sauver – Il reste peu de
temps pour vous investir de la sainte colère – Je vous vois comme un
animal aux jambes cassées – Les yeux fous qui cherche à se lever qui
cherche une aide – Dans le ciel vide autour de lui qui tourne et dans sa
tête emballée. On chercherait, en vain, le mot ou la virgule en trop. Tout comme Plain-chant, pleine page, Les Traces des combats, est
un grand livre de poésie ; un isthme qui, séparant la mer des
solitudes, rassemble les hommes. La chose n’est pas si courante.
Christophe
Dauphin
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