Chorus N° 60
(été 2007)

Il existe bel et bien et pourtant on ne le trouve pas en librairie ! Vendu exclusivement par correspondance, le dernier livre de Jacques Bertin doit être acheté, prêté, volé. Bref, il doit être diffusé.

D'accord, il donnera naissance à de belles empoignades entre aficionados, mais ce n'est pas pour déplaire à Jacques Bertin dont le naturel combatif, ronchon et militant se moque comme d'une guigne des idées à la mode. Certains le qualifieront, pour cette raison, de "Hugues Panassié de la chanson". A tort sans doute car le bonhomme sait dépasser les clivages et jeter la cendre sur le prétendu "âge d'or".

Composé d'articles pour Politis, de conférences (la chanson et la culture, la chanson et la poésie) et de quelques inédits (sur Félix Leclerc, sur le "jeune chanteur"…), ce livre ne se présente pas comme un véritable brûlot. Notre ACI-journaliste s'en justifie du reste dans l'avant-propos. Tout juste une explication - voire une démonstration - afin que chacun connaisse les tenants d'une "affaire chansonnière" non classée. "J'accepte d'être vaincu, j'accepte de passer pour un con, mais je veux - souligne-t-il- qu'on sache pourquoi." Question de morale, de déontologie. De dignité aussi.

Son coup de gueule - salutaire en soi- dépasse évidemment le simple mouvement d'humeur. Il constitue en réalité une réflexion sur un métier que les gens d'en haut méprisent ou, pire encore, manoeuvrent avec habileté.
Tirant à boulets rouges sur le bizness de la chanson, Bertin rend hommage par contrecoup à des artistes tels que Jacques Douai, Léo Ferré, Jacques Serizier, Jean Vasca, Gérard Pierron, Colette Magny et Mouloudji et aux sans-grade, ceux qu'il nomme les "va-nu-pieds", les "pas-reconnus", ses frères.

Avant de transformer ce carnet de presse en bouquin, Bertin a pris soin de truffer ses anciens textes de notes explicatives des plus succulentes (entre autres celle sur Gainsbourg) et d'ajouter, en annexe, son projet de Conservatoire national du patrimoine de la chanson, envoyé en 2000 au ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, et courtoisement refusé par ledit ministre.

(S.D.)

 


Une autre chanson
n° 119 (printemps 2007)

Entre colères et tendresses

Non, Draïssi n’est pas le prénom d’une pulpeuse Maghrébine à l’abondante chevelure noire. Pas davantage une de ces aguichantes attachées de presse qui parviennent à faire écrire à certains journalistes de chanson que Machin a du génie alors qu’il sait tout juste aligner des lieux communs, et que Bidule a de la voix quand elle se contente de marmonner des inepties. Ce n’est pas non plus un nouveau produit lancé par une multinationale pour contrer le succès de Diam’s. C’est le résultat d’une mauvaise accentuation de la langue française telle que la pratiquent certains chanteurs – Obispo ou Pagny ? – pour coller à une musique préformatée. Au détriment du sens. Et dans «il reviendra ici», mal accentué, l’auditeur ne peut dès lors que saisir «Reviens, Draïssi».

Jacques Bertin qui, lui, s’y connaît pour faire sonner justement les mots français, et les chanter avec dignité autant qu’avec pudeur, est sans doute le mieux placé pour dénoncer ce lamentable état des choses. Chanteur, il a aussi la plume d’un vrai journaliste, comme il l’a prouvé dans l’aventure de Politis, et, sous-titré Ecrits sur la chanson, son ouvrage Reviens, Draïssi, qui paraît à l’enseigne du «Condottiere», réunit des articles parus dans ce magazine, des textes de conférences… qui tranchent avec le conformisme prévalant chez ceux qui se piquent d’écrire sur la chanson.

Cela nous vaut quelques beaux coups de gueule parfaitement justifiés, de manière générale contre la vulgarité du show-business et le matraquage des esprits ou, plus particulièrement, contre cette gauche qui, arrivée au pouvoir, a fait de Trenet le paradigme de la chanson française. Et pourquoi pas Léo Ferré ? Si le coup de patte peut être féroce (à l’égard d’un Gainsbourg, par exemple), Bertin est aussi un homme de tendresse lorsqu’il évoque ces artistes trop négligés par les médias que furent Colette Magny et Jacques Douai, Jean-Max Brua, Mouloudji («disparu» des ondes pour avoir chanté Le déserteur) et Jacques Serizier (la «Cerise» !), nous parle de Gérard Pierron ou de Jean Vasca. Sans oublier Félix Leclerc qui aura marqué François Béranger, Michel Bühler, Jofroi et… Jacques Bertin.

Francis Chenot

Dimanche Ouest-France
21 janvier 2007

 


 

Jacques Bertin n’est pas seulement un chanteur à l’immense talent. Sur son art, il a des idées. Il les a rassemblées dans cet essai parfois féroce qui dresse un triste constat de la chanson française. Elle a touché le fond, tellement soumise aux modes et aux diktats commerciaux. Plus grave, la chanson comme art populaire a sombré. Justement parce qu’elle vient du peuple et de son histoire. Elle est, dit-il, «traditionnellement méprisée par les élites et les institutions».

Sur le sujet, Jacques Bertin a des états de service. Depuis quarante ans, suivi par un public de fidèles, il a publié vingt-cinq disques. Il a aussi été distingué par l’académie Charles-Cros. Jacques Bertin n’abandonne pas. Pour sauver la chanson, il dessine des perspectives. Restaurer les réseaux de salles, petites et moyennes, ce ne serait déjà pas si mal.

 



Didier Gourin

 

Bloc-Notes de Politis du 22 février 2007

 

Lire l'article complet (Mort d'un salaud, par Bernard Langlois)

... l’ami Jacques Bertin, qui vient de sortir un livre de colère sur la chanson, le métier de chanteur et les conditions de son exercice. Titre abscons (dont vous aurez l’explication page 132, Bertin adore les jeux de mots navrants !), mais texte intelligent, superbement écrit, décapant.

Comme il dit : «J’accepte d’être minoritaire, j’accepte d’être vaincu, j’accepte de passer pour un con ; mais je veux qu’on sache pourquoi.»

 

Bernard Langlois