CD Ce qui reste ce qui vient Jacques Bertin

Nos enchanteurs 
Michel Kemper
le 11 novembre 2019

 

Ce qui nous vient de Jacques Bertin

 

Par Michel Kemper



Plus que jamais à la marge de l’air du temps, indémodable donc, à jamais intemporel. N’a-t-il pas dit jadis : « Je n’ai pas besoin d’être moderne pour être contemporain »… Jacques Bertin est depuis toujours un chanteur à part, qu’on ignore superbement ou qu’on adule. À ses débuts il fut effectivement encensé par une partie de la presse. À croire que la presse a depuis bien changé, que des ignares ont succédé aux érudits, toujours est-il que ce 29e album (en 52 ans) ne devrait pas, c’est dommage, faire couler beaucoup d’encre ou faire frissonner les claviers…

Quinze titres dont l’intitulé est souvent long comme un jour sans pain, tel À force de solitude j’ai acquis l’art de la mer ou encore Le jour baisse ; la pluie, à la clarté des lampes. D’une poésie immédiate, de grande simplicité, de proximité, tant qu’on pourrait croire que ça n’en est pas. Comme dans celle qui ouvre ce nouvel opus, Fini, le bistrot à Dédé, qui peut aussi s’écouter comme on lirait un reportage sensible sur la désertification rurale.

On ne parlera pas ici de mélancolie même si l’accompagnement musical la suggère, là étant peut-être la limite des notes, de ce qu’elles peuvent traduire ou non. Ce que nous chante Bertin est plus que désenchanté. Le chanteur traduit en mots la grisaille de notre temps, d’une société qui sombre plus encore à chaque pas, chaque loi, chaque reniement.
On dira que chaque musique ressemble à la précédente, à la suivante, raccord et faite de peu d’accords. Ce n’est peut-être pas vrai mais en donne la singulière impression. Étrange mélopée sans mélodie, aux vertus hypnotiques, qui porte la plainte d’un monde désajusté de toute dignité, absent de toute humanité. C’est notre misère coutumière, notre grogne quotidienne que Bertin chante en continu, 50 minutes durant. De quoi nous plomber en toute logique. Et pourtant on entre dans cette plainte, en ce débit qui jamais ne fait crédit, lent, en retrait de tout sentiment, sans relief. Hypnotique, j’insiste. Tant qu’on a l’impression, je ne saurais vous dire en quoi, de côtoyer l’épure qui s’accouple à la beauté. L’étreinte est étrange mais séduisante.

Au mitan de cet album, on aimera – mais ce n’est pas nouveau – en Bertin ses fidélités. A la poésie, c’est certain : il convoque à ses côtés celle de François Porché, de Lucien Massion aussi. Et Le petit bal perdu de Robert Nyel, jadis créé par Bourvil, enregistrement dû à un hasard, une opportunité de studio. Fidélité à ses amis : il chante le souvenir des Vasca, Juvin, Brua et Elbaz (Adieu, amis de ma jeunesse, qui figurait sur le disque, aujourd’hui épuisé, La bande des cinq) ; à des amies programmatrices et aux animateurs de l’Éducation populaire, et c’est tout Bertin ça.

On remarquera aussi la pochette de ce disque, portrait où s’estompe Bertin : le visage y prend la couleur de l’automne, soleil couchant, contre-jour, les arbres se préparent à l’hiver…

 

Jacques Bertin, Ce qui reste ce qui vient, Disques Velen 2019.

Les 10, 11 et 12 janvier 2020 au Forum Léo Ferré à Ivry.

Michel Kemper
 



CD Ce qui reste ce qui vient Jacques Bertin

Les chroniques de charlu

 

 

JACQUES BERTIN 2019 (CD Ce qui reste, ce qui vient)

 

Les chroniques de charlu



Allez, encore un, et pas des moindres, un de ceux qui vibrent dans mes cellules depuis belle lurette, auprès de Corringe, Léveillée, Escudero, Ferrat, Ferré...
Des 5, Vasca, Elbaz, Brua, Juvin, il ne reste que lui, il n'en reste pas des masses, de ces grands hommes dans la marge, ce beau poète chanteur qui constate et nous chante ce qui est.

"Il faut vivre au désert" dit-il, de plus en plus je crois aussi, tout comme à travers la fenêtre de Thiéfaine. Les maisons tombent, il faut astiquer reluire et bichonner l'économie globale tout en regardant les milliers de bagnoles qui rayent notre au dessus du matin au soir. Nous avons peur nous autres du ciel qui  puisse tomber sur nos tètes. Pluie de kérosène grillé sur nos paupières connes.
Le monde voyage et les bistrots ferment. Posons-nous.

Plus de zinc, comme celui de Dédé, et ce n'est pas un cliché, juste une idée définitive, à jamais ou plutôt pour toujours. Dos-d'âne, chicanes et ronds-points à n'en plus finir, quand on freine et redémarre ça pollue.. cirques vicieux infernaux, et la masse qui s'exprime est un appel aux abymes. Déjà maison du monde dans sa plus belle pornographie exhibe depuis quelques jours ses boules rouges, blanches, pailletées et quelques décorations de Noël, plus aucun respect pour le orange citrouille dont tout le monde se fout, comme moi.

"Je voudrais d’éternelles chutes de feuilles
 L’amour en un sanglot un sourire léger"....

Je frissonne sous ce grand peuplier aux feuilles émotives, sous ce bel arbre avant qu'elles ne tombent, ses feuilles tremblantes, j'écoute le nouveau Bertin, une nouvelle collection de poignantes chansons. Respirations profondes, larmes d'ivresses, "Tant que le Tremble tremblera, le monde existera".

 


https://leschroniquesdecharlu.blogspot.com/2019/10/jacques-bertin-2019.html


CD Ce qui reste ce qui vient Jacques Bertin 

Hexagone N° 16
Hexagone 

JACQUES BERTIN : Ce qui reste, ce qui vient (Velen)

 

Hexagone N° 16 (été 2020)



Démarrage pied au plancher (et pieds dans le plat) : Fini le bistrot à Dédé. Un vieux villageois vitupère l'économie triomphante, responsable de la fermeture des petits commerces. Guitare arthritique, roulements de R, complicité parlée avec un public imaginaire... on se croirait au Forum Léo-Ferré un soir de messe. Plus loin (j'aime rien – et alors ?), la litanie râleuse devient ressassement : ça ressemble à un sketch – on se souvient que Bertin avait un temps songé à sortir un disque de chansons comiques – mais ce n'est peut-être pas fait exprès...

Ce vingt-et-unième album studio, moitié guitare moitié claviers ou accordéon, s'ouvre sur ses textes les plus désabusés et opère dans sa première partie un discret retour au politique (pas engagé, il n'aime pas... mais pas loin). Avec dans la forme un air de déjà-vu (suites d'accords familières) et dans le fond une détestation de la contemporanéité (« j'emmerde la médiacratie », « surfer sur le surfait ») parfois caricaturale. A force de solitude, le poète a acquis l'art de l'amer... mais à la question Qu'as-tu fait de ta jeunesse ? répond : J'ai aimé. Dès lors, redevenu plus avenant, il chante l'amitié, l'espérance ou les patronnes de bistrot, saintes laïques de sa jeunesse enfuie. Malgré un abord difficile, ce disque plus prosaïque que d'ordinaire finit donc quand même par émouvoir... in extremis.


Nicolas Brulebois




 


CD Ce qui reste ce qui vient Jacques Bertin 


Ouest-France

Ouest-France
22/10/2019

 

 

Jacques Bertin parcourt le monde en chantant



Oues-France
 

 


https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/chalonnes-sur-loire-49290/chalonnes-sur-loire-jacques-bertin-parcourt-le-monde-en-chantant-6575659