Chorus N° 36
Eté 2001

Jacques Bertin / Cadou : "Une fraternité si intime"


D'où me vient, à moi, comme à tant d'autres, une fraternité si intime avec cette "tristesse émerveillée", comment s'explique ce lien que je n'ai avec aucun autre poète? Bien sûr, il y a le talent, qui fait que je tiens Cadou pour un des vingt grands poètes français du XXème siècle. La sincérité, l'intensité, l'immédiateté de l'émotion qui bouscule les séparations entre connaisseurs, et non-connaisseurs, jeunes et vieux. Il y a aussi cette destinée terrible qui fut la sienne, le choix de la solitude dans un carrefour de routes et la mort à trente ans! L'amour pour Hélène jamais flétri par le temps. La célébration de l'amitié. Avoir vingt ans.

Il y a que sa disparition marque pour moi la fin du grand siècle de la poésie française, avant qu'elle ne sombre dans l'autodestruction…

Et, bien sûr, il y a eu la communauté des paysages et les liens avec Luc Bérimont qui fut son ami proche, puis, après sa mort, son meilleur agent publicitaire auprès de nous tous! Mais je crois que sans ces deux derniers détails, la rencontre se fût produite avec (presque) la même intensité.

Il y a qu'il y a une âme, là, qui parle, et qu'on entend.

Propos recueillis par Michel Trihoreau