Le Soleil
(Québec)
13 janvier 1997
Québec - Etrange tout de même qu'un artiste français maintes fois comparé à Brel ou Ferré, se présente à Québec presque en catimini, pour chanter dans une petite salle, devant une poignée d'admirateurs qui n'ont jamais su communiquer leur ferveur.
"Jacques Bertin, pourquoi n'avez-vous pas atteint la notoriété du Grand Jacques ou du lion rugissant?"
Au bout du fil qui relie Paris à Québec, le sourire de Jacques Bertin est perceptible. La question lui a été posée dix fois, cent fois. Sa réponse comporte trois volets. Il dit que l'époque n'est plus la même, qu'il n'est pas certain d'avoir le talent d'un Brel ou d'un Ferré et qu'il n'a pas "l'esprit tourné vers ça".
"Ceux qui veulent le succès à tout prix ne pensent qu'à ça", affirme-t-il. Pas lui! Ses métiers d'écriture l'occupent trop pour qu'il se transforme en obsédé de la scène et du succès. Surtout maintenant qu'il fait du neuf à cinq, comme rédacteur en chef adjoint aux pages culturelles d'un hebdomadaire parisien.
Bertin aime bien s'éparpiller dans la poésie, la chanson, le journalisme et la littérature. Mais il n'aime pas le mot "éparpillé" et nous assure qu'il y a une "unité" dans sa vie.
Il a signé une première biographie en 1987, celle de Félix, puis a remis ça, quelques années plus tard, avec la vie d'un illustre inconnu albertain du siècle dernier.
Depuis, il se passionne pour l'Ouest canadien. Il s'est aussi intéressé à René Guy Cadou, "l'un des plus grands poètes de notre siècle", au point d'écrire le scénario d'un film portant sur l'histoire de ce poète français décédé il y a 50 ans. Les difficultés de financement l'ont "écoeuré" et convaincu de s'en tenir à cette première et dernière expérience au cinéma.
Jacques Bertin donnera un spectacle à Québec, le 24 janvier, à l'auditorium Joseph-Lavergne de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Il fera ensuite un saut à Montréal, pour y chanter et visiter des copains. Il fréquente les scènes depuis 30 ans. Sept de ses albums ont été réédités en CD. Il vient tout juste de lancer 14 chansons regroupées dans l'album Hôtel du grand retour.
Les journaux français décrivent sa voix ainsi: "profonde, au phrasé de violoncelle, diction parfaite, équilibre miraculeux entre douceurs suspendues et douleurs contenues".
Ils parlent de ses textes en ces termes: "… une poésie de la réalité sensible et quotidienne, qui traque humblement le sens de la vie des gens, avec un cortège désordonné de rencontres, de chagrins, de petits bonheurs et d'amours contrariées".
Amoureux de la poésie de Bertin, sachez qu'il vous offrira, le 24, un éventail de chansons qui couvre les 10 dernières années de sa carrière. Il n'en chantera que deux ou trois de son plus récent album -"elles demandent un trop grand travail de mémorisation"- il fera sept ou huit interprétations, en somme il vous fera cadeau des chansons qu'il préfère. Il sera accompagné de Laurent Desmurs, le pianiste qui le suit depuis des années.
Michèle La Ferrière
