Février 1996BERTIN L'ENCHANTEUR !

Son premier disque en 1967, couronné d'un "Grand prix de l'Académie Charles Cros" fut qualifié "d'événement" par la presse qui désigna ce jeune homme de 20 ans comme "chef de file, de ceux qui changent la face de la chanson comme Trenet et Brassens..."

Depuis, ce jeune homme des berges de Loire a creusé son microsillon comme nul autre et y a coulé des flots de paroles, narguant les reliefs hautains du Show-bizz qui semblaient le toiser. "Bertin. Combien de divisions?" Et bien, malgré vous, braves marchands, le dénommé "Bertin", du haut de ses 50 berges toutes fraîches, a offert une quinzaine d'albums de la plus belle facture. Le climat de l'Ouest, la profondeur et les remous des eaux, la révolte qui tarde et puis la maison chaude, le soir, ont donné des "Portrait d'Aude", des "Permanence du fleuve" et des "Paroisse" d'une limpide beauté.

Le regard posé est un pinceau léger, fluide, qui devoile un peu des pays intérieurs. La musique doit s'y trouver d'avance, dans ces pays-là, tant elle semble se lever toute seule pour danser avec les mots comme dans les rondes folles d'antan. Reste la voix, profonde comme Loire, douce et puissante avec une diction parfaite tel le courant percutant les cailloux des chaussées, le souffle fait musique de chaque syllabe et l'instrument est superbe et fragile évidemment. Alors on respire, entre les salves, car l'alchimie attaque au ventre. La chanson de Bertin ne s'écoute pas en tapant dans ses mains: brisés seraient le cristal des mots, la peinture des tableaux et le cours de la Loire, on n'en déverse pas de tombereaux sur le chaland qui gondole son caddie dans les supermarchés. La chanson de Bertin ne se fait pas en suppositoires!

Elle est à prendre ou à laisser mais elle aura été faite et se faufilera longtemps sur les eaux de Loire et le vent qui va avec. Mais elle n'a pas le pied marin, alors entre Chalonnes et Nantes, sur toutes les berges de toutes les Loire, tendez vite un filet, il y a un homme qui chante.

Michel Boudaud