Blessé seulement,
(Poèmes inédits)

2005

 

Editions L'Escampette

112 pages

15 €

Mars 2016 : Réédition au format poche, même éditeur (11 €)


Jacques Bertin a reçu pour ce recueil le Prix Paul Verlaine 2010 (Maison de Poésie)

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Ce livre de poèmes («fragments, notes jetées, morceaux de chansons, éructations, larmes vaines et protestations ahuries»), d’un lyrisme tout à fait hors de saison (certains ricaneurs diront «démodé»…), est magnifique et poignant comme les grandes chansons de Brel ou de Ferré.

«Elle est poignante, cette poésie. Poignante et belle tant l’œuvre de Bertin exalte au sein d’une parole dépourvue d’inutiles apparats la richesse imaginative de la langue et sa simplicité. Brève ou ample, accordée aux différentes ressources de la prosodie (l’impair, l’octosyllabe, l’alexandrin bien sûr, délesté de ses chaussures de plomb, les vers de quatorze, seize ou vingt-quatre pieds et leurs enjambements, la ligne libre, le verset comme la notation au vol, fulgurante), elle n’étreint pas seulement son lecteur, ce qui serait déjà beaucoup, mais possède le charme profond de réconcilier quiconque la découvre avec ses propres émotions.
"Les grands désastres de l’enfance" ainsi, ou cet automne, cette neige tombant derrière la vitre où seule compte désormais l’impondérable blancheur du silence, ces peupliers froissés par le vent au gré de la rivière brumeuse ou ces quelques mots qu’entre chant et diction sur scène Jacques Bertin chuchote ["La Cheminée" - La jeune fille blonde, Disque Velen ] :

On croit voir contre un talus loin brûler un fagot d’ailes d’anges
sanglantes arrachées aux espoirs et nos joies
Qui les recueillera ? Croyais-tu donc atteindre aux rives de la soie ?

Il le fallait il le fallait les Amériques sont là qui dérivent

cette candeur, cette eau qui sur nos mains maladroites ruisselle, ces désastres et ces Amériques, ces fagots d’ailes d’anges sont maintenant les nôtres, à jamais partagés.
C’est que nous sommes tous blessés, blessés seulement…
Les uns n’en ont cure, qui s’adonnent avant de mourir à des professions incongrues, éructent, bavent ou accablent autrui des maux dont ils ont soufferts.
D’autres s’en vont. Les moins regardants, les plus malheureux peut-être, ne veulent rien avouer des promesses qu’ils n’ont pas tenues.
C’étaient obligations de mômes, pas de quoi fouetter un chat tout de même, auxquelles il s’agissait de demeurer fidèle. Traverser la vie sans trop s’encombrer de bagages. Aimer. Se perdre ou marcher lentement parmi les herbes folles aux berges de la Loire et "ne dédire jamais", jamais, non, aurait-on faim, aurait-on soif ou ne sentirait-on sur ses lèvres qu’un froid baiser de cendre, "le serment d’ailes de papier" d’un enfant qui serrait contre lui son précieux cerf-volant, qui pleurait, riait, cassait des carreaux et contre tout bon sens mais éperdument "croyait en l’été". »

Lionel Bourg



J’ai trop ce deuil en moi pierres à pierres
Et je suis couturé de ces routes barrées
Des arbres par le vent brisés
Sont en travers
Des fermes mortes – vent des feuilles
Nulle part la voix porte où l’âme veuille
Ni le dernier autocar de l’hiver
Au pont en bas il n’aura pas tourné
Et le café Aux platanes est désert
Il n’y a plus âme qui aime âme qui veille
J’ai trop ce deuil en moi voyez de peine
Donc pardonnez le vent tournant dans l’esprit harassé
Et le hameau perdu la place défoncée
Et le souvenir de ces yeux qui encore à l’instant l’a traversée