L'Est républicain

18 janvier 2004

Un poète chantant au grand cœur



Silence d'or et ouïe fine étaient de circonstance vendredi soir au foyer Georges Brassens avec Jacques Bertin. Il a donné un récital de ses poèmes en musique comme il aime le faire, accompagné au piano par Laurent Desmurs. Dans ce temple de la chanson française, les spectateurs ont été invités à se plonger dans un dédale de morceaux de vie. Assis sur une chaise face au public, les projecteurs ont mis en scène un homme mûri par les années, dont la voix toujours aussi pure ne faiblit pas. La chanson est un acte vital pour cet ex-journaliste, écrivain, auteur-compositeur rennais. Il le dit : "Chanter est un équilibrant majeur comme un acte physique. Sur la scène, je partage une communauté de valeurs, même désespérées, l'acte lyrique est une célébration de l'humain".

Jacques Bertin a échangé avec son public des textes qui touchent, d'une voix qui plane, qui se fond si bien dans les belles mélodies de son pianiste. Il en a appelé au temps, celui qui passe, de l'amour, de la vie. Chaque fin de strophe est vibrante, montant en émotion des paroles d'espoir. Le chanteur s'accroche aux mots, ne les lâche plus, il les communique aux gens qui l'aiment et en raffolent. Puriste, il se justifie quand il veut chanter la petite fille qui joue sous les tonnelles "J'ai un ami chanteur belge qui en a parlé au sujet des petites filles, il s'est passé des choses là-bas".

Des tableaux en mots

Durant les deux heures qu'il a chanté à Beaucourt, Jacques Bertin le méconnu a mis en relief tel des tableaux : les femmes, celles qui attendent au froid sur le quai de la gare, la douce, la lente, les distraites, celles qui souffrent et celle qu'il aime "qui a froid, auprès d'elle trois bouquets de fleurs, près du lit parmi les livres". Il n'hésite pas à demander à son pianiste d'accorder sa guitare en plein récital, et à s'excuser de ses interludes lui demandant la suite du programme. Puis il gratte sur les cordes bien tendues des poèmes qui ravigotent encore plus fortement l'âme.

"Au ruisseau gelé la pierre est à fendre". Il se met à siffler mélodieusement, c'est sa façon d'entonner l'hiver, sous des bourrasques d'humeur.

Aux rappels du public, ce troubadour de la chanson française, devenu un ami, chante "Colchiques dans les prés" et "Le temps des cerises", "sans bruit, que l'on n'entende pas de son, mais qu'on en sente le parfum", insiste-t-il.

De ce récital, une bonne odeur, vertigineuse d'émotion, est passée dans les rangs du foyer Georges Brassens une fois de plus.

 

Colette PECAUT